A peine a-t-il ouvert qu’il nous previent, le regard hante : « Je ne desire plus rien savoir. Je ne desire plus parler d’Oradour. » Neanmoins, Albert Daul ne referme nullement la a de sa petite maison, dans un hameau d’Alsace. « Je ne souhaite plus rien savoir », repete-t-il. Cette phrase, on sent qu’elle fut son bouclier pendant sept decennies. Cependant, chaque fois qu’il la prononce, il rajoute quelque chose. Cela evoque une femme, qu’il a dissuadee d’entrer dans le bourg. Cela lui permettra d’affirmer qu’il etait a l’exterieur, qu’il gardait l’acces, qu’il n’a donc pas directement participe… On se raccroche a ce qu’on est en mesure de. Cela n’empeche. Albert Daul a sauve des vies a Oradour-sur-Glane. On le lui rappelle. Cela faisait part des « malgre-nous » alsaciens, incorpores de force dans la Waffen-SS. Entre 1940 et 1944, 130 000 jeunes n’ont eu d’autre choix que de servir l’Allemagne si, a Notre suite de l’armistice de juin 1940, l’Alsace et Notre Lorraine mosellane ont ete annexees au Reich. Des pressions etaient exercees sur leurs familles, menacees de deportation si le fils refusait d’endosser l’uniforme ; 40 000 n’ont pas survecu a Beyrouth et aux camps sovietiques ou ils furent detenus apres 1945. Le 10 juin 1944, Albert Daul etait present, malgre lui, a Oradour-sur-Glane. http://www.datingmentor.org/fr/wooplus-review Il faisait part en 3e compagnie du regiment Der Fuhrer, responsable du pire massacre commis via les nazis en France. Ce regiment de la division Das Reich a ensuite ete decime en Normandie. « Je ne desire plus rien savoir ! » Il ne semble nullement vouloir qu’on parte, non plus.
Comme un coup de poignard au dos
Notre voisinage veille sur sa tranquillite. Sa fille aussi. Au portable, elle a averti : « Ca fait soixante-dix annees qu’on vit avec ca. On n’en va plus. Quand j’etais petit, i mon sens aussi, c’etait votre cauchemar. » Neanmoins, Albert Daul, au fond de sa conscience, souhaite parler. Il va i?tre le dernier des malgre-nous d’Oradour encore en vie. Juge au proces de Bordeaux en 1953, il fut condamne a 6 annees de chantiers forces mais amnistie, au nom de la reconciliation nationale, comme douze autres Alsaciens presents a Oradour. Ce proces fut votre veritable psychodrame. Pour le Limousin d’abord, ou l’amnistie pantalon ressentie tel un coup de poignard dans le dos. Mes accuses en sortirent libres, et aucun des responsables une tuerie ne va etre inquiete. Pour l’Alsace, ensuite, qui s’est sentie solidaire de ces treize gamin perdus et, forcement, exclue de la communaute nationale. Age de 88 annees, Albert Daul est atteint d’un cancer. Veuf depuis quelques mois, une voix secrete lui a dit qu’il est temps libre. Il nous fait signe d’entrer, s’installe dans un fauteuil du salon et m’invite a m’asseoir i ci?te de lui. Albert Daul accepte pour la premiere fois de revenir sur l’evenement qui l’a marque a jamais, au cours duquel il a desobei aux ordres pour sauver une femme et deux enfants qui circulaient a velo. Ses souvenirs paraissent parfois confus, mais ils temoignent d’une terrible condition des malgre-nous alsaciens, ainsi, d’une verite d’un homme qui a passe une life avec Oradour sur la conscience.
RECAPITULATIF DU PARCOURS D’ALBERT DAUL LE 10 JUIN 1944Une vue aerienne d’Oradour, conserve en l’etat depuis la tragedie
1) 14 heures : Cela reste poste a la sortie ouest du village.
2) 15 h 45 : Il assiste a l’execution d’une vingtaine d’otages dans une grange.
3) 16 heures-16 h 30 : Il se rend avec le groupe devant l’eglise en feu. Il voit a l’exterieur le cadavre d’un enfant.
4)A la nuit tombee, il remonte sur 1 camion Afin de regagner le cantonnement d’la compagnie a Nieul. Oradour n’est plus qu’un brasier.
Paris Match. Comment etes-vous devenu 1 malgre-nous ? Albert Daul. A Strasbourg, c’est la qu’on nous a… [long silence] incorpores dans la Waffen-SS.
Vous n’auriez jamais pu vous enfuir ?Qu’est-ce que vous vouliez Realiser ? Au Wacken, a Strasbourg, il y avait des SS partout. Foutre le camp, c’etait plus possible.
Ensuite ? On a quitte J’ai gare de Strasbourg, puis on est arrive a… Je ne sais plus…
Vous etes alle en Prusse orientale, dans un camp de formation. Apri?s, vous etes passe avec le camp de Souge, pres de Bordeaux. Vous avez recu une formation dans la Waffen-SS. Apres, on vous a envoye a Montauban… Oui, ca c’est vrai… C’est la qu’on nous a donne les uniformes, a Montauban.
Qu’avez-vous ressenti en endossant l’uniforme allemand ?Qu’est-ce que vous vouliez Realiser ? Si vous foutiez le camp, ils vous… tuaient.
Ils vous ont menace ? …
Vous vous souvenez de l’officier Heinz Barth, qui vous commandait a Oradour ? Barth, je ne sais jamais… Il etait officier ?
Oui, il y avait aussi le capitaine Kahn.Kahn, oui ! Il y avait Kahn, Barth, et un nouvelle.
Diekmann. [le bourreau d’Oradour]Oui, mais je ne le connaissais pas. Nous, les Alsaciens, on parlait entre nous, mais avec les autres, on ne voulait rien savoir. Si ca n’etait jamais necessaire, on ne parlait pas avec eux.
Pour vous, nos Allemands restaient des ennemis ? … Bon, que voulez-vous savoir sur Oradour ?
La 3e compagnie est stationnee a Saint- Junien. Quand vous etes parti, vous a-t-on devoile que vous alliez faire une operation ?On ne nous a rien dit trop. Ils ne nous ont pas demande notre avis. On est monte aupres du front et c’est arrive en file de route… Oradour.
A quel moment vous etes-vous apercu qu’il se commettait une monstruosite ?J’ai encore eu du bol. Je n’etais pas a l’interieur d’Oradour di?s qu’ils ont fait votre massacre. On est deux, Elsaesser et moi, on avait l’ordre de ne laisser personne entrer ni aller. C’est tout.
Qu’entendiez-vous ?J’ai entendu des… des fusillades et les mitrailleuses, mais… Je n’y etais gui?re, je n’ai gui?re vu. J’etais a l’exterieur, en bas. Je n’etais gui?re dans le bourg le jour du massacre.
Vous avez surpris le village bruler ?Oui, oui.
Qu’avez-vous fera ?Avec Elsaesser, on ne devait manquer personne. Alors, un gars, il est soi-disant professeur de musique, Cela reste entre. Un nouvelle monsieur est sorti. Cela y avait aussi deux gosses qui paraissent partis a velo… d’ailleurs depuis eu cette dame, J’me rappelle plus de son nom. Elle s’appretait a entrer au sein d’ Oradour.
Vous vous souvenez de votre que vous lui avez evoque ?Je lui ai evoque : “Si vous voulez me faire bonheur, retournez votre domicile, parce que la, c’est la merde la-dedans.” On entendait les tirs de mitrailleuses. Je l’ai priee de revenir chez elle, ainsi, elle l’a fait d’ailleurs… d’ailleurs elle m’a ecrit une lettre, apres… Elle m’a remercie.
A ce moment, vous saviez votre qu’il se passait au village ?Vous saviez que la population etait massacree ? On ne savait jamais exactement. On croyait qu’il y avait des maquisards.
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